Description
Appelée mambe en espagnol vernaculaire, la coca à mâcher est produite et consommée quotidiennement par la plupart des Amérindiens du nord-ouest de l’Amazonie. La préparation du mambe se fait en grillant sur une platine en terre cuite les feuilles de coca, qui sont ensuite pulvérisées dans un long pilon en bois. Des feuilles de Cecropia (esp. vern. yarumo) ou de Pourouma cecropiifolia (esp. vern. uva de monte) sont brûlées et réduites en cendre avant d’être parfumées avec de l'encens (résine de certains arbres) et mélangées à la coca. Pour être finement tamisé, le mélange est alors secoué dans une gaine en tissu (autrefois en écorce) enroulée et ficelée autour d’une tige en bois. Enfin, la poudre volatile est recueillie à l’intérieur d’une caisse, aujourd’hui découpée à l’intérieur d’un jerricane, comme on peut le voir sur la photo. Chez les Yucuna, la coca à mâcher (yuc. ipatú) est centrale dans les échanges et le fonctionnement de leurs institutions spécifiques, principalement pour leur chamanisme, ainsi que pour leur mode de résidence à l’intérieur des malocas – maisons à la fois plurifamiliales et cérémonielles. Comme le disent les Yucuna, sans ce “compagnon” (yuc. jwáke’e), il n’est plus possible de faire des offrandes aux divinités, esprits ou ancêtres dans les rituels nécessaires aux activités productives quotidiennes (chasse, horticulture, pêche, cueillette), ni de recevoir des invités, notamment lors des visites et cérémonies dansantes, ni même encore de pouvoir "parler" sérieusement comme, par exemple, lors de l'organisation des travaux coopératifs (esp. vern. minga). Si l’on a pu comparer la coca à mâcher à de la monnaie, en raison de sa place centrale dans les échanges (Fontaine, 2008), la coca est, avant même d’être indispensable aux échanges, indispensable aux paroles des yucuna. Car du point de vue de ces derniers, seul le partage des paroles libérant dans l’atmosphère une fine poussière de coca, est supposé harmoniser les pensées (yuc. pechu), pour être en accord avec les anciens (chamane, maître de maloca), ou satisfaire les ancêtres et esprits venus recevoir la coca.